lundi 23 avril 2018

Crépuscule

Dans mon jardin il y a un arbre
Un vieil acacia au tronc dédoublé
Dont l’écorce ridée a l’aspect d’un marbre
Craquelé par tant de chaleurs redoublées.

Il est orné d’une multitude de diamants
Où le jaune et le vert se marient au bleu
Ses branches fières caressent le firmament
Offrant à mes yeux un spectacle fabuleux.

Des tourterelles, des colibris et des moineaux
Enivrés par la séduisante fraîcheur du soir
Qui allume dans la ville les premiers fanaux
Chantent en choeur en me souhaitant bonsoir.

Les couleurs, tout à l’heure encore incendiaires
Laissent peu à peu la place aux gazouillis
Qui envahissent mon arbre devenu volière
Puis le jour disparaît par l’obscurité assailli.

Alors la nuit tombe comme un grand voile
Sur le désert et sur la ville qui se sont tus
Dans l’immensité du néant qui se dévoile
Reviennent la peur et les hommes qui tuent.

– Poème de Michaël Adam

dimanche 15 avril 2018

Les Allumettes suédoises (Robert Sabatier)

Les Allumettes suédoises relève de la catégorie des récits de l’enfance, récits dont je suis assez friand car, pour avoir vécu dans au moins quatre pays, j’ai souvent eu l’occasion de répondre, à ceux qui me posaient des questions sur mon origine, que mon pays c’est d’abord et avant tout l’enfance, puis, en second lieu, ma langue. Cela revenait à dire que ce qu’on est, ce qu’on devient dans la vie, provient en majeure partie de notre enfance et adolescence, un âge qui s’étend sur une période d’environ dix ans, soit de 7 à 17 ans. Après, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, on ne fait que suivre le chemin qui a été tracé. Le récit de Robert Sabatier a cependant quelque chose en plus : il se distingue des autres récits de l’enfance en ce qu’il appartient aussi à la catégorie des récits de quartier, c’est-à-dire ces romans qui, à l’instar de ceux de Naguib Mahfouz au Caire (Passage des Miracles, Récits de notre quartier, etc.) ou, plus près de nous, de Michel Tremblay (Chroniques du Plateau Mont-Royal), considèrent l’espace comme un personnage à part entière.

Les Allumettes suédoises raconte l’histoire d’Olivier qui, à dix ans, vient de perdre sa mère, ce qui fait de lui un petit homme démuni face au monde. Sans jamais tomber dans le mélodrame, l’auteur en prend d’ailleurs conscience :

« Pourquoi, brusquement, alors qu’il ressentait la chaleur des autres, en lui vibra une corde qui rendait un son blessé ? Atteint par la mélancolie, Olivier, sans mère, sans sœur, pensa que durant des soirs et des soirs, il errerait ainsi dans la nuit à la recherche de quelque chose qu’il ne pourrait jamais rejoindre, se réchauffant mal, comme aux braseros d’hiver, à des foyers étrangers, les siens étant éteints à jamais ».

En attendant qu’il soit placé chez un oncle, il vit pendant quelques mois chez son cousin, récemment marié qui occupe un deux-pièces dans le quartier, son quartier, celui de Montmartre à Paris. Pendant ces quelques mois, Olivier ne va pas à l’école et traîne du matin au soir dans les rues du quartier, se liant d’amitié avec toute une série de personnages comme : Bougras, un vieil anarchiste de 74 ans; Lucien le bègue, un sans-filiste dont la femme, atteinte de tuberculose, va bientôt mourir; Daniel, un infirme connu sous le nom de l’araignée; Albertine Fague, la voisine obèse; Mado, la jolie call-girl; et, enfin, Mac, le caïd qui finira pas se faire arrêter par la police. Et bien sûr, il y a Virginie, la mère décédée trop tôt mais qui occupe encore toutes les pensées d’Olivier. C’est dans ce quartier des années 1930, plus précisément sur la rue Labat, près de l’avenue Bachelet, qu’Oliver évoluera pendant quelques mois.

Robert Sabatier est né en 1923 alors que Les Allumettes suédoises a été publié pour la première fois en 1969. Pourquoi l’auteur a-t-il attendu si longtemps avant de nous livrer ce récit lumineux sur une tranche d’enfance, un épisode intense de sa vie, comme le sont sans doute toutes périodes de transition dans la vie des hommes et des femmes ? Je ne sais pas, probablement en raison du besoin que nous avons tous de prendre quelque distance avant de revenir par des mots à des événements que nous avons vécus. Dans tous les cas, il faut lire ce roman de Sabatier; ou du moins ceux qui se souviennent de leur pays originel – l’enfance – doivent le lire sans tarder. À mon avis, Les Allumettes suédoises, dont le héros, Olivier, conserve toujours une boîte d’allumettes dans sa poche pour lutter contre l’angoisse, est un incontournable des récits d’enfance et, par la même occasion, de quartier, peu importe que celui-ci soit situé à Paris, à Montréal ou à Dakar.

Robert Sabatier est né à Paris en 1923. Orphelin comme son héros, il sera placé sous la tutelle de son oncle typographe. Il pratique plusieurs métiers avant de devenir journaliste pour différentes publications comme Arts, Le Figaro littéraire, Les Nouvelles littéraires. Plus tard, il sera directeur littéraire chez Albin Michel et fera son entrée à l’Académie Goncourt en 1971. Robert Sabatier a publié de nombreux romans et recueils de poèmes. Après Les Allumettes suédoises, il a écrit une suite à l’histoire d’Olivier qui compte six volumes, le plus récent étant Olivier 1940 publié en 2003.

Sabatier, Robert, Les Allumettes suédoises, Paris: Albin Michel, c1969, 1986.

– Compte rendu de Daniel Ducharme

dimanche 25 mars 2018

Rencontre

Vous, amis d'enfance, qui avez su m'apprivoiser
Vous, frères et sœurs avec qui jadis j'ai pavoisé
J'ai tant désiré voir se réaliser cet événement jubilatoire
Cette rencontre obligatoire de rescapés des crématoires.

Enfin libéré de cette nostalgie qui m'avait tant accablé
On va se revoir, se parler, en un mot ensemble s'attabler
Votre présence constitue le nord de ma boussole
Je vais revivre les splendeurs des champs de tournesols.

Je vais vous écouter et vous dire, avec amour et tact
Combien j'ai espéré et tant souhaité recréer le contact
Avec vous me promener dans les souvenirs d'avant les hommes
Qui m'ont arraché de mon terroir, de mon rhizome.

Chassé de mon village sans discours ni palabre
Obligé de m'exiler dans un désert de terre glabre
Proscrit et séparé pendant longtemps, sans la passerelle
Qui soudait nos rires et mettait fin à nos innocentes querelles

J'ai souffert votre absence et celle de mon petit Frétoy
J'ai langui nos jeux, nos chansons, et puis moi et toi
Aujourd'hui je vais vous revoir et sur votre visage
Le bonheur chantera, éclairant autour de moi le paysage.

– Poème de Michaël Adam