vendredi 18 mars 2016

Testament of Youth (Mémoires de jeunesse)

Un beau film. Un film qui porte sur la peine inconsolable qu’une jeune femme ressent à la perte de son fiancé, de ses amis, puis de son frère. Cette perte est occasionnée par l’action la plus stupide que les hommes puissent commettre : la guerre.

Vera Brittain, auteure de ces mémoires, s’engage comme infirmière, mettant fin à des études prometteuses dont l’accès, pour les femmes de cette époque, s’avérait difficile, un bon mariage constituant encore la meilleure garantie pour leur avenir. Mais, dans les circonstances de la guerre de 1914, poursuivre des études de lettres classiques n’avait plus de sens pour elle. Elle s’engage donc comme infirmière, d’abord en Angleterre, puis, après la mort de son fiancé, en France où elle cherche à se rapprocher de son frère. Elle s’est effectivement rapprochée de ce frère qui est mort peu de temps après son arrivée. Cette scène avec tous ces corps de jeunes hommes étendus sur des civières de fortune vous laissera une forte impression qui vous fera comprendre encore avec plus d’acuité la célèbre réponse que fit Louis-Ferdinand Céline, dans Voyage au bout de la nuit (1932), à Lola qui lui demandait pourquoi il ne voulait pas partir à la guerre, et s’il était lâche : « Oui, tout à fait lâche, Lola, je refuse la guerre et tout ce qu’il y a dedans… Je ne la déplore pas moi… Je ne me résigne pas moi… Je ne pleurniche pas dessus moi… Je la refuse tout net, avec tous les hommes qu’elle contient, je ne veux rien avoir à faire avec eux, avec elle. Seraient-ils neuf cent quatre-vingt-quinze millions et moi tout seul, c’est eux qui ont tort, Lola, et c’est moi qui ai raison, parce que je suis le seul à savoir ce que je veux : je ne veux plus mourir. »

À la fin de cette guerre, Vera Brittain a trouvé le courage de prendre la parole dans une assemblée de revanchards pour clamer que le monde doit trouver un autre moyen que la violence pour solutionner ses conflits. Elle s’engage alors sur la voie du pacifisme. Jamais elle n’oubliera ceux qui ont illuminé sa jeunesse. Et jamais elle ne sera la même personne qu’avant la guerre. Comme l’écrit encore Céline, une année avant la parution de Testament of Youth de Vera Brittain : « De la prison, on en sort vivant, pas de la guerre. Tout le reste, c’est des mots. »

Il est rare que je vois un film tiré d’un livre sans que j’aie lu celui-ci avant. Ce fut le cas pour Testament of Youth (1933), un très beau film britannique qui, à moins que vous n’ayez pas la moindre parcelle de sensibilité, saura vous toucher.

Mémoires de jeunesse (Testament of youth), 2015, un film britannique de James Kent, avec Alicia Vikander, Kit Harrington et Taron Egerton. 2 h 10.

– Critique de Daniel Ducharme

samedi 27 février 2016

La grande foi des Indiens d'Amérique

Lorsque les premiers blancs ont mis les pieds sur le sol de l'Amérique, ils se sont emparés des terres au nom de leur roi, malgré le fait que ce territoire était habité par des peuples qui furent désignés sous le nom de peaux-rouges. Les blancs ne considéraient pas les peaux-rouges comme des êtres humains. Pour eux, ces êtres étaient des bêtes à visage humain. Ils ne pouvaient pas avoir d'âme, puisqu'ils étaient des barbares, des païens, des bêtes sauvages. Cette perception justifiait les massacres auxquels ils se sont livrés. Non seulement les blancs ont massacré les peaux-rouges, mais ils ont également massacré les bisons qui leur servaient de nourriture. Des trente millions de bisons qui parcouraient les vastes plaines de l'ouest américain avant l'arrivée de l'homme blanc, il ne resta plus que quelques milliers de bêtes.

Il est étonnant de voir avec quelle facilité l'orgueil, l'avidité et la cruauté peuvent conduire aux pires excès. Pourtant, ce sont des chrétiens qui ont commis ces atrocités. Quand les blancs ont soumis les noirs d'Afrique à l'esclavage, ils ont prétendu que ces êtres n'étaient pas des humains, mais des bêtes à visage humain. Ils pouvaient s'en emparer par la force, les soumettre à l'esclavage et les traiter comme des animaux. Quand les allemands nazis ont décidé d'éliminer les juifs, ils ont prétendu que les juifs n'étaient des êtres humains, mais des bêtes à visage humain (Heinrich Himmler, chef de la Gestapo). Quand le président américain George Bush a décidé d'attaquer l'Irak, il a prétendu que Saddam Hussein était un monstre assoiffé de sang, que ce pays possédait des armes de destruction massive; que l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord étaient l'axe du mal. L'Amérique et ses alliés faisaient partie de l'axe du bien. En somme, selon Bush, c'était la guerre du bien contre le mal. Cela justifiait les pires massacres.

Est-ce que les Indiens d'Amérique étaient des païens, du seul fait qu'ils n'étaient pas de religion catholique, qu'ils ne lisaient pas la bible et qu'ils ne suivaient pas les instructions de l'église de Rome? Ils n'étaient pas religieux, certes, mais ils étaient croyants. Beaucoup plus que les blancs qui les ont traités de païens et les ont massacrés. L'Indien ne consacrait pas une seule journée de la semaine à l'adoration de son Dieu; chaque jour lui était consacré. Il voyait le Grand Esprit dans tout : dans le soleil, la lune, les étoiles, les animaux, les plantes, etc. Il vénérait la terre qu'il appelait la Terre-Mère. Il vénérait l'animal qui le nourrissait. Il croyait à l'immortalité de l'âme et vénérait ses ancêtres. L'endroit où il enterrait ses morts était sacré. Le chef était choisi par les mères parmi ceux qui démontraient la plus grande sagesse.

Voici quelques citations de grands chefs indiens :

« L'homme blanc doit traiter les bêtes de cette terre comme ses frères. Je suis un indigène et je ne connais pas d'autre façon d'agir. J'ai vu sur les plaines des milliers de bisons laissés à pourrir par l'homme blanc qui les avait tués d'un train en marche. Qu'est-ce que l'homme sans les bêtes? Si toutes les bêtes disparaissaient, les hommes mourraient d'une grande solitude d'esprit, car tout ce qui arrive à la bête arrive aussi à l'homme. Toutes les choses sont liées. Tout ce qui survient à la terre survient aux fils de la terre. Il y a une chose que nous savons et que l'homme blanc découvrira un jour : Notre Dieu est le même Dieu que le vôtre. Vous pouvez penser que vous le possédez, comme vous désirez posséder notre terre, mais vous ne le pouvez. La terre est le corps de l'homme. Et sa compassion est la même à l'égard de l'homme rouge qu'à l'égard de l'homme blanc. Cette terre nous est précieuse. Et mépriser la terre, c'est mépriser son Créateur ». Chef Seattle, de la tribu Duwamish « Nous étions un peuple sans loi, mais nous étions en bons termes avec le Grand Esprit, le Créateur et le Maître de toutes choses. Vous, les blancs, vous nous preniez pour des sauvages. Vous ne compreniez pas nos prières et vous n'essayiez pas de comprendre. Quand nous chantions nos louanges au soleil, à la lune ou au vent, vous disiez que nous adorions des idoles. Sans comprendre, vous nous condamniez comme des âmes perdues, simplement parce que notre forme d'adoration différait de la vôtre. Nous voyions l'oeuvre du Grand Esprit dans tout : soleil, lune, arbres, vent et montagnes. Parfois, nous l'approchions à travers ces choses. Était-ce mauvais? Je pense que nous avions une vraie foi dans l'Être Suprême; une foi plus grande que la plupart des blancs qui nous ont appelés : païens. Les indiens qui vivent près de la nature, ne vivent pas dans les ténèbres ».
Tantaga Mani, de la tribu Stoney

« Frère, vous dites que vous êtes envoyé pour nous enseigner comment adorer le Grand Esprit d'une façon qui lui plaise et que si nous n'embrassons pas cette religion que vous, les blancs, vous enseignez, nous serons désormais perdus. Vous dites que vous avez raison. Comment savons-nous que cela est vrai? Nous savons que votre religion est écrite dans un livre. Si elle était faite pour nous, pourquoi le Grand Esprit ne nous a-t-il pas donné..et pas seulement à nous mais à nos ancêtres, la connaissance de ce livre, avec les moyens de le comprendre correctement? Nous savons seulement ce que vous en dites. Comment saurons-nous ce qu'il faut croire, ayant été si souvent trompés par l'homme blanc? Frère, vous dites qu'il n'y a qu'une façon d'adorer et de servir le Grand Esprit. S'il n'y a qu'une seule religion, pourquoi le monde blanc s'entend-il si peu à son sujet? Pourquoi n'êtes-vous pas tous d'un commun accord, puisque vous pouvez tous lire ce livre? Frère, nous ne comprenons pas ces choses. On nous dit que votre religion a été donnée à vos ancêtres; qu'elle fut transmise de père en fils. Nous aussi, nous avons une religion qui fut donnée à nos aïeux et transmise à leurs enfants. Notre religion nous enseigne à être reconnaissants pour tous les bienfaits que nous recevons, à nous aimer et à être unis. Nous ne nous disputons jamais au sujet de la religion, parce que c'est un sujet qui regarde chaque homme et le Grand Esprit. Frère, nous n'avons aucunement le désir de vous l'enlever; nous voulons simplement jouir de la nôtre »
Sogoyenwatha, chef Seneca, au missionnaire Cram

« Dans la vie indigène, il n'y a qu'un devoir inévitable : celui de la prière, de la reconnaissance quotidienne de l'invisible et de l'éternel. Les dévotions journalières de l'indigène lui sont plus nécessaires que la nourriture du jour. Il se lève au moment où pointe l'aube, chausse ses mocassins et descend au bord de l'eau. Là, il se jette au visage une poignée d'eau claire et froide, ou plonge de tout son corps dans le courant. Après le bain, il se tient droit devant l'aube qui s'avance, face au soleil qui danse à l'horizon et il offre sa prière silencieuse. Sa compagne peut le précéder ou le suivre dans ses dévotions; jamais elle ne les fait avec lui : chaque âme doit rencontrer seule le soleil du matin, la douce terre nouvelle et le Grand Silence. Lorsque, au cours de son aventure quotidienne, le chasseur peau-rouge rencontre une scène d'une grande beauté, il s'arrête un instant dans l'attitude de l'adoration. Il ne sent aucunement le besoin de mettre un jour sur sept à part, comme un jour sacré, puisque pour lui, tous les jours sont de Dieu. L'individu unit à son orgueil une humilité singulière. L'arrogance spirituelle lui est étrangère. Il n'a jamais prétendu que le pouvoir de la parole était une preuve de supériorité vis-à-vis la création muette, au contraire, cela lui paraît un don périlleux. Il croit au silence, signe d'un équilibre parfait. Le silence est l'équilibre absolu du corps, de l'esprit et de l'âme. L'homme qui se contient est toujours calme et inébranlable devant les tempêtes de la vie; pas une feuille ne bouge sur l'arbre, pas une vague sur l'eau, son attitude est l'idéal du sage naturel. Si vous lui demandez: « Qu'est-ce que le silence? » Il vous répondra : « C'est le grand mystère, le saint silence est sa voix ». Si vous lui demandez : « Quels sont les fruits du silence? » il vous répondra : « La maîtrise, le vrai courage, la patience, la dignité et la révérence; le silence est le fondement du caractère ».
Ohiyesa, de la tribu Dakota

– Billet de Jean-Claude St-Louis

samedi 13 février 2016

La cybernétique

« Nous sommes des naufragés sur une planète vouée à la mort. »
Norbert Wiener, fondateur de la cybernétique

La cybernétique fournit l’une des principales clés permettant de comprendre la nature des mutations technologiques et culturelles en cours puisqu'elle a joué un rôle de premier plan dans la constitution d’un « paradigme informationnel » qui a germé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, nous sommes entrés dans « un monde sans frontières, tout entier voué à la communication et à l’échange d’informations (...). Un monde rendu plus rationnel par le contrôle et la gestion informationnels. Un monde peuplé d’êtres hybrides tels ces machines intelligentes, ces robots et cyborgs dont les médias annoncent chaque jour les nouveaux exploits. »

En niant l’héritage humaniste tout en promulguant une logique de désubjectivation, la cybernétique a ouvert une brèche profonde au cœur du principe d’humanité. Elle a rejeté les notions d’« autonomie subjective » et d’« intériorité subjective », présumant que « nous n’avons aucune expérience interne de la personnalité des autres ». La transformation radicale de la figure du sujet humain s'est opérée par la transformation de son rapport à la machine. En mettant l’accent sur les messages et les codes, la cybernétique en est venue à annuler les lignes de démarcation entre homme, ordinateur et environnement. Par l’extension de la notion de comportement, elle inclut la machine dans la catégorie universelle d’« être comportemental ». Cette conception a mené à une « ontologisation » de la machine.

- Céline Lafontaine, La société postmortelle : la mort, l’individu et le lien social à l’ère des technosciences, Paris : Éditions du Seuil, 2008 (résumé et extraits)

Le brillant essai de Céline Lafontaine permet de saisir tous les bouleversements qui affectent les sociétés modernes, dont la logique de désubjectivation et la négation de l’héritage humaniste. Comme le dit l’auteur, lorsque l’on prend conscience du lien traditionnellement établi en Occident entre la mémoire et la subjectivité, on se rend compte de l’ampleur du retournement philosophique induit par la cybernétique.

À lire aussi : Ronan Le Roux, "Cybernétique et société au XXIe siècle", Archive ouverte HAL, janvier 2014

vendredi 5 février 2016

Le responsable des ressources humaines (Avraham B. Yehoshua)

Une femme meurt dans un attentat terroriste. En soi, cela n’a rien d’inhabituel à Jérusalem. Sauf que, dans ce cas, personne ne vient réclamer le corps. Sur elle, on a retrouvé une fiche de paie permettant de l’identifier : Julia Ragaïev, quarante-huit ans, employée d’entretien dans une boulangerie industrielle de la ville. Au bout d’une semaine, le corps n’est toujours pas réclamé. Un employé de la morgue en informe un journaliste de petite envergure qui décide d’écrire un article sur un sujet haut en couleur en ces temps d’instabilité : le manque d’humanité d’une entreprise qui ne prend même pas la peine de s’inquiéter de l’absence d’une de ses employés. Le PDG de la boulangerie, un homme vieillissant qui souhaite retrouver la paix intérieure avant de tirer sa référence, convoque le responsable des ressources humaines et le charge de faire toute la lumière sur cette affaire.

C’est ainsi que les fils se tendent pour favoriser le décollage d’une histoire enlevante qui débute à Jérusalem pour se poursuivre dans une ex-république du bloc soviétique pour enfin revenir à Jérusalem. Une histoire qui tourne essentiellement autour de la quête du responsable des ressources humaines qui, agacé par le journaliste tout en autant que troublé par le destin tragique de cette femme, en fait une affaire personnelle.

Le roman est structuré en trois parties, une « passion en trois actes » comme l’indique l’auteur en sous-titre de son œuvre. Rien de très passionnel, pourtant, dans ce roman qui combine enquête policière, réflexion métaphysique et chronique sociale. Le héros, un homme de quarante ans, divorcé et père d’une fille adolescente, est incarné tout entier par une fonction, celle de responsable des ressources humaines ou de DRH. C’est à ce point que, nulle part dans le roman, l’auteur lui attribue un nom, une identité, si ce n’est celui d’un homme perturbé par l’hostilité des femmes : son ex-femme, d’abord, qui lui prend tout le pognon qu’elle peut lui prendre ; sa mère, ensuite, qui est mécontente de voir revenir son fils à la maison et qui l’accuse d’avoir laissé détruire sa famille ; sa fille, enfin, qui en a marre des disputes continuelles de ses parents.

C’est dans ce contexte que le DRH s’investit dans cette mission qui consiste à offrir une sépulture décente à cette femme dont la beauté « tatare » a quelque chose de mythique. L’enquête débute à la boulangerie, se poursuit dans le pays d’origine de Julia Ragaïev et se termine à Jérusalem où revient le DRH, après avoir trimbalé un cercueil pendant trois jours, pour enterrer cette femme, accompagné de son fils adolescent et de sa grand-mère. Au terme de sa mission, le PDG de l’entreprise s’indigne du peu de sens de toute cette affaire. Et c’est par cette réponse du responsable des ressources humaines que l’histoire se termine, sur une note teintée d’optimisme : « Le sens, monsieur, c’est à nous de le trouver. Et moi, comme toujours, je vous aiderai ».

J’ai profondément aimé ce roman qui, dans un style fort original, aborde une question tragique tout en ne négligeant pas la dimension personnelle et, par conséquent, universelle, de l’humain. Certes, le Proche-Orient doit composer avec un quotidien où la mort est parfois au bout de la rue. Mais cela n’occulte pas la difficulté de vivre du héros qui, attentat terroriste ou pas, s’interroge sur son destin. J’ai beaucoup aimé ce roman parce que l’auteur, malgré toute la lourdeur du monde, raconte des événements qui, avec un humour subtil mais constant, sait les mettre à notre portée. Ce qu’il faut retenir de ce roman, ce n’est pas nécessairement le culte mythique de Jérusalem, ville ouverte qui appartient à tous ceux qui se l’approprient (référence évidente au fils et à la mère de Julia Ragaïev qui reviennent y vivre à la fin du roman), mais plutôt cette rupture du quotidien personnalisée par cette quête au bout de laquelle le héros retrouve l’amour de sa fille et le respect de son ex-femme. Cela rappelle à tous ceux qui l’ignorent encore que c’est dans la mobilité que se manifeste l’humain en nous, car elle seule favorise le retour à soi si nécessaire au tournant de la vie.

Avraham B. Yeoshua est né à Jérusalem en 1936 dans une famille séfarade. Il est notamment l’auteur de L’Amant (1979), Un divorce tardif (1983), L’Année des cinq saisons (1990), Shiva (1995) et Voyage vers l’an mil (1998). Il vient de faire paraître La Mariée libérée (2005) aux éditions Calmann-Lévy.

Yehoshua, Avraham B., Le responsable des ressources humaines ; traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, Paris : Calmann-Lévy, 2004.

– Compte rendu de Daniel Ducharme

samedi 30 janvier 2016

Flamboiements

Reflets irisés des images d’une guerre
Aux couleurs de l’horreur et du sang
Qui font de la vie un mot vulgaire
Dards de mort qui tuent les innocents

Le ciel de cette terre que l’on dit sainte
Est embrasé par une haine inassouvie
L’infamie brille, Jérusalem, sur tes enceintes
La flambée de violence calcine Ahmed et Lévy

Les éclats sont ceux des pierres et des grenades
Dans les yeux des enfants ne brille plus le rire
Les enterrements tiennent lieu de promenade
Sait-on aujourd’hui qui demain va mourir ?

Israël et Ismaël ont soufflé sur les braises
Le feu consume les dernières lueurs d’espoir
L’incendie ravivé rallume la fournaise
La seule lumière vive est celle du désespoir

L’éblouissante clarté de la trêve ne dura guère
Voici revenus les lumineux et resplendissants
Reflets irisés des images d’une guerre
Aux couleurs de l’horreur et du sang.

– Poème de Michaël Adam

samedi 16 janvier 2016

Écrire ou ne pas écrire : conseil à un ami retraité

J’ai un ami qui vient de prendre sa retraite. Autour de la table, lors d’un repas avec d’autres amis, une discussion s’engage sur ses projets, sur ses intentions d’activité. Cet ami est doté d’une grande culture, mais s’avère un intellectuel passif. En effet, il lit beaucoup, il s’intéresse à la littérature, à la philosophie et à politique… mais il ne restitue pas par écrit ce qu’il retient de ses lectures, de ses observations. Bref, il n’écrit pas, même s’il a des opinions fort pertinentes sur les phénomènes sociopolitiques. Des opinions qu’il pourrait partager. Des idées qu’il pourrait diffuser. Parce qu’elles en valent la peine.

Mais mon ami a du mal à écrire. Mieux que quiconque, il souffre du syndrome de la page blanche ou plutôt de l’écran vide. Ce syndrome agit sur plus d’un individu. On s’assoit devant son écran, on commence à taper des mots… et tout se fige et ce, malgré le message qu’on voudrait communiquer au monde. Un écrivain (je crois qu’il s’agit d’Henry Miller, mais je n’en suis pas certain) a écrit quelque chose comme ça : s’il s’avère que tu es incapable d’écrire, alors écris pourquoi tu ne peux pas écrire et, à force d’écrire, tu écriras…

Alors voici ce que je conseille à mon ami. C’est d’ailleurs le même conseil que je me donne à moi-même et que je m’efforce tant bien que mal d’appliquer. Voici, donc.

1) Écris chaque jour, peu importe le jour et les conditions. L’idée est d’écrire 300 mots par jour. Dans le bus, dans le métro ou ailleurs. L’hypothèse à la base de cette initiative est que les idées vont jaillir des mots, et non l’inverse. 300 mots représentent les trois quarts d’une page de dimension standard. Alors il s’agit d’un objectif facile à atteindre. Une discipline à la portée de chacun de nous.

2) Ne te préoccupe pas du sujet de ton écriture. Écris sur n’importe quoi. Sur le gars affalé sur la banquette du bus. Sur la jeune fille qui pose les pieds sur le banc dans le métro. Sur le mec qui pue quand tu te trouves dans l’ascenseur de la Grande bibliothèque. Sur n’importe quoi. Toi ou les autres, peu importe. Si tu préfères des sujets plus vastes comme la gouvernance du monde, alors vas-y. Aucune limite ne t’est fixée.

3) Écris sans te préoccuper de la forme, de l’orthographe, de la qualité de la langue en général. Toutes ces règles sont des entraves au processus de création, et ceux qui s’en préoccupent outre mesure n’arrivent jamais à rien. Concentre-toi sur l’expression. Elle seule compte à cette étape. Ce qui importe, c’est de maintenir la discipline d’écriture au quotidien. C’est de t’exprimer, peu importe la qualité de cette expression.

4) Une fois par semaine, ou au rythme qui te convient, consigne tes notes dans un fichier. Quand tu en auras plusieurs pages ou des milliers de mots, tu te surprendras à y trouver des idées intéressantes. Et c’est à partir de ce moment-là que tu pourras reprendre tes notes pour en rédiger des billets de blogue ou autre chose. À ta guise. Tu es aux commandes. Tu décides. Pour une fois, il n’y a aucun patron sauf toi-même.

Écrire n’est pas une mince affaire. Cela demande du courage, du travail et une bonne estime de soi. Et il faut trouver la motivation au fond de soi, car la reconnaissance des autres peut ne jamais venir.

- Billet de Daniel Ducharme

mercredi 13 janvier 2016

Carpe diem (cueille le jour)

J'ai fait de cette courte phrase, ma ligne de conduite, mon leitmotiv. Il s'agit d'une locution latine, extraite d'un poème d'Horace et traduite en français par : « Cueille le jour présent, sans te soucier du lendemain ». Plusieurs l'interprètent par : « Profite du jour», alors que la véritable interprétation n'est pas de profiter mais de cueillir tout simplement, en se disant que le futur est incertain et que tout est appelé à disparaître. Personnellement, je résume cette citation par: « Prends ce que le jour t'apporte, sans aucune attente, et sois heureux ». Si le résultat est là et s'il est bon pour moi, je suis heureux. Si le résultat n'est pas là, je suis quand même heureux, en me disant : « Ce n'est pas grave, ce n'est pas ça qui va m'empêcher d'être heureux ».

La vie est faite d'imprévus. Essayer de tout contrôler pour qu'il n'y ait pas d'imprévus est impossible. Alors, il faut vivre avec. J'ai réalisé que la plupart des problèmes dans le monde proviennent du désir de contrôler : contrôler la vie, contrôler les gens, contrôler les situations pour qu'elles soient toujours à son avantage. Ce désir, cette volonté de contrôler, met une énorme pression sur les épaules et empoisonne la vie. Je crois même que les guerres de religion, les conflits de toutes sortes, sont le résultat d'une volonté de contrôler les autres.

Vivre et laisser vivre! Qu'il est donc difficile de laisser les gens vivre leur vie, sans y mettre notre grain de sel. Que ce soit nos parents, nos enfants, nos amis(es), notre entourage, il y a toujours ce désir de mettre notre nez dans les affaires des autres, de donner des conseils, de leur dire quoi faire, comme si on détenait la vérité absolue. Et tout ça par orgueil! Les autres n'ont-ils pas le droit de vivre leur vie comme ils l'entendent? N'ont-ils pas le droit de poser les gestes qu'ils veulent, tout en assumant leurs responsabilités?

Carpe diem (cueille le jour) et sois heureux!

– Billet de Jean-Claude St-Louis

mardi 5 janvier 2016

Lacan et la boîte de mouchoirs (saison 3) (Chris Simon)

A la sortie du premier épisode de la première « saison » de Lacan et la boîte de mouchoirs, je me suis de suite inscrit parmi les lecteurs enthousiastes des textes de Chris Simon, lisant coup sûr coup chacun des épisodes. Puis j’ai lu la saison 2, intéressante bien entendu, mais moins enlevante que la 3 dont je viens de terminer la lecture.

Outre Hervé Mangin, le psychanalyste, on retrouve dans ce troisième volume Judith, qui va plutôt bien ces temps-ci, et Chloé, kleptomane à ses heures, forcée par sa mère à suivre des séances à trois. Comme toujours, l’écriture de Chris Simon est fluide et le ton allègre de ses récits s’avère très agréable à lire. D’ailleurs, c’est la qualité et le défaut du projet depuis le début : ça se lit trop vite… et, du coup, on reste sur notre faim, obligé de patienter jusqu’à la sortie des prochains épisodes. Bonne nouvelle, toutefois : l’auteure vient de faire paraître l’intégrale des trois saisons de son Lacan et la boîte de mouchoirs. Cette œuvre se termine sur une note pessimiste bien que réaliste, sans doute : « L’amour c’est offrir à quelqu’un qui n’en veut pas quelque chose que l’on n’a pas… » Serait-ce là le fondement de toute psychanalyse ?

Chris Simon est une auteure indépendante. On lui doit déjà plusieurs ouvrages. Je vous invite à consulter son site qui ne manque pas d’intérêt. À l’instar de nombreux « indés », elle est diffusée à la boutique Kindle d’Amazon. Si vous ne disposez pas de la liseuse de la marque, vous pouvez installer l’application Kindle sur n’importe laquelle tablette iPad, Androïd ou Windows. Toutefois, Lacan et la boîte de mouchoirs est également disponible chez Kobo, Apple et à la FNAC. Pour en savoir davantage, cliquez sur ce lien.

Chris Simon, Lacan et la boîte de mouchoirs, saison 3, 2015. Disponible sur plusieurs plateformes, notamment à la boutique Kindle d’Amazon.ca au prix modique de 4,99$

– Compte rendu de Daniel Ducharme

samedi 2 janvier 2016

Petits bonheurs

En déambulant dans les artères de la ville
Petits bonheurs en forme de guitare
Fées des quartiers riches ou des bidonvilles
Vous distillez dans mes veines votre nectar.

Jolies stars de la laideur des quartiers
Points de beauté sur la bêtise et l’horreur
Il n’est pas de peine que vous n’écoutiez
Lorsque votre grâce apaise mes terreurs.

Femmes mûres ou jeunes demoiselles
Amies, compagnes ou maitresses
Aux corps rondelets ou frêles gazelles
Vous sauvez mes rêves de la détresse

En m’offrant les secrets trépidants
Des torrents et des chauds paysages
De vos soleils généreux et ardents
Vous gravez en moi votre beau message.

Petites bonheurs en forme de guitare
Que j’aime être pris dans vos toiles
Où je m’ébats, heureux comme un têtard
Moi, le passionné, le collectionneur d’étoiles.

– Poème de Michaël Adam