dimanche 6 juillet 2014

1989 Crépuscule sur la rivière Kwaï



Lors d’un périple en Thaïlande, nous étions descendus deux jours au Kwaï Lodge, un hôtel flottant amarré devant un magnifique jardin tropical. Le plancher de bambou tressé était simplement fixé sur des flotteurs, bidons de deux cent litres vraisemblablement de récupération. Trois radeaux composaient le Lodge. Au centre l’accueil, le bar et le restaurant. De part et d’autre, les chambres aux cloisons de bambou étaient alignées, portes donnant sur la rivière. Un petit parapet de bois évitait d’y plonger par inadvertance. Des multitudes d’orchidées étaient suspendues sur cette passerelle. Chaque soir, une serveuse en sari les décrochait une par une et les arrosait en les immergeant brièvement dans le courant…

Ce jour là, il y avait eu une excursion sur le fleuve. Nous étions tous montés sur un radeau pourvu de sièges et d’un dais pour assurer un peu d’ombre pendant la journée. Il était tiré par une de ces pirogues que les mariniers thaïs équipent d’un moteur de voiture, l’hélice allant jusque sous l’eau par l’entremise d’un long et mince arbre d’acier…La large rivière s'écoulait lentement entre des berges basses couvertes par la luxuriance de la végétation des tropiques. Parfois, un espace défriché permettait un accostage pour atteindre plus loin un ensemble de paillotes serrées à l’orée des arbres. Un buffle pattes immergées se rafraîchissait…

Sur le retour, nous fûmes pris par la tombée du jour. Les insectes et les batraciens donnèrent le signal. Le bruit devint intense, complexe mais toujours strident : coassements et stridulations s’opposaient puis faisaient cause commune pour ce concert mouvant de fin d’après midi. Soudain la lumière baissa …



A l’ouest, sur la rive gauche, l’horizon s’enflamma. Les couleurs déclinèrent en teintes pastel toutes les tonalités du jaune à l’orange, du bleu au violet, de façons discontinues, par fines touches très étirées, juxtaposées, impressionnistes. Les roses s’installèrent, les arbres devinrent ombres chinoises aux délicates ciselures. Dans un dernier très bref sursaut, la lumière repris tout son éclat puis s’éteignit. Nuit soudaine. Des eaux noires du fleuve zébrées d’argent montaient de lourdes effluves porteuses d’une brume légère qui lentement occupa tout le dessus des flots…

Nous étions là, ébahis, saoulés d’images, stupéfaits par la sur-naturelle et primitive beauté de ce spectacle.



– Billet de Jean-Louis MILLET

mardi 1 juillet 2014

Tu voudrais

Tu voudrais que mes écrits soient teintés d’humour
Que mes vers soient empreints d’un soupçon de rose
Que je parle de ce qui est beau, de la vie et de l’amour
Car, me dis-tu, souvent mes strophes sont trop moroses.

Pourtant, tu le sais, lorsque toi et moi regardions les étoiles
Lorsque le présent et l’avenir qu’ensemble nous tissions
Autour de nous tramaient les fils d’argent de notre toile
C’est de beauté et d’amour que je te parlais - de ma passion.

Je riais avec toi lorsque tu faisais fondre notre solitude
Avec cette chaleur magique qui faisait du néant un soleil
J’étais heureux comme un enfant et je goûtais la plénitude
Après l’accalmie, lorsque la félicité mettait nos coeurs en éveil.

Aujourd’hui que nos effusions sont devenues tendresse
A l’heure où l’affection a remplacé les épanchements
Je n’oublie pas les propos que j’avais à ton adresse
Ni ce qui est beau, ni la vie et l’amour, ni mon attachement.

Mais perdu avec toi dans l’infini d’un bonheur avorté
Dans cette galaxie pleine de promesses et de rires illusoires
J’ai vu qu’il y a tellement peu, outre ce que tu m’as apporté
Que j’ai perdu l’envie de peindre en rose cette vie provisoire.

– Poème de Michaël Adam