samedi 24 décembre 2011

Un certain Noël !

Noël ! Jour de joie et d’allégresse ! C’est un grand jour : la fête du petit Jésus ! Dans une famille chrétienne, on a installé un sapin cloué en croix sur deux morceaux de bois. Il est beau ce sapin avec ses guirlandes multicolores, ses ampoules allumées et ses bougies. Auparavant, il était joli également alors qu’il vivait au cœur de la forêt. À présent, c’est un jeune sapin en train de mourir, cloué en croix, tout comme Jésus que l’on fête. Il meurt le beau sapin, sans bruit, sans aucune plainte, sans doute parce que c’est la fête du petit Jésus!

Les cadeaux sont nombreux et déposés au pied de l’arbre. La maman, ravie, reçoit un magnifique manteau de fourrure. Un manteau de vison, fait de peaux de pauvres bêtes, prises au piège, mortes dans d’horribles souffrances ou dépouillées vivantes. La maman, extasiée, caresse son manteau avec tendresse. Elle est certaine que ses amies vont être jalouses. Quelle joie pour elle de s’admirer avec ces peaux sur les épaules ! Elle est tellement contente, la maman, elle qui adore les animaux !

C’est au tour de la petite fille de recevoir son cadeau : un adorable petit chien ! "Qu’il est mignon, maman, ce petit chien !" dit la fillette qui le prend et le lance dans les airs, comme elle le fait avec son toutou en peluche. Le petit chien retombe par terre et se brise une patte. La jeune fille pleure. "Ne pleure pas, ma chérie, lui dit sa mère, ce n’est pas grave, demain, on ira voir le vétérinaire". Il venait de loin, ce petit chien. Un marchand l’avait acheté avec ses huit frères et sœurs, enfermés dans une boîte de carton. Trois d’entre eux étaient morts à leur arrivée. Celui-ci, avec sa petite patte cassée a bien de la chance. Il a été adopté par une famille qui adore les animaux !

La maman offre un beau cadeau à son mari. Celui-ci l’ouvre fébrilement et découvre avec joie ce qu’il avait justement demandé : un équipement de chasse au complet. Tout y est, de la casquette jusqu’aux bottes, sans oublier le magnifique fusil de chasse. Tout excité, le papa enfile son équipement, sous les regards admiratifs de son épouse et de sa petite fille. Il est fier le papa ! Il est prêt pour aller tuer les canards, les perdrix et les sarcelles. S’il chasse, c’est que lui aussi il adore les animaux, le gentil papa !

C’est la fête du petit Jésus ! Dans la maison cossue, on a préparé le repas de Noël. Il y a les entrées : des homards que l’on va plonger vivants dans de l’eau bouillante et des cuisses de grenouilles, mutilées vivantes. Il y a aussi la dinde comme plat principal. Une dinde, gavée aux hormones, entassée dans un enclos et forcée de s’alimenter vingt-quatre heures par jour, sous des lumières artificielles, afin d’atteindre le poids d’abattage, le plus rapidement possible. Et tout ça pour célébrer la fête du petit Jésus.

N’est-ce pas ravissant de fêter la naissance du petit Jésus sur les carcasses de tant d’animaux ! C’est d’autant plus ravissant que ni la maman, ni le papa, ni la petite fille, n’ont pensé un seul instant au petit Jésus de toute la soirée.

Le petit sapin et les centaines de milliers de ses frères, cherchent à comprendre pourquoi ils doivent mourir précisément ce jour-là. Ils sont les seuls à se poser des questions ; les seuls à entendre la nature, horrifiée, appeler au secours devant la destruction des forêts, les poumons de la terre. Quelques jours plus tard, on va jeter les sapins desséchés dans la rue, avec les ordures, comprenant les carapaces de homards ébouillantés vivants et les restes des grenouilles, mutilées vivantes et jetées dans un tas, de même que les restes de la dinde, qui n’aura vécu qu’une vie misérable, avant d’être conduite à l’abattoir.

Et pendant ce temps, dans le monde, plus d’un milliard d’enfants n’auront rien à manger pour la fête du petit Jésus. Il y a même un enfant qui meurt de faim à toutes les sept secondes. Des millions d’autres meurent du sida et de toutes sortes de maladies sans recevoir de soins. Ils sont victimes, par millions, de la bêtise et la cruauté des adultes, impliqués dans des guerres barbares. Sans oublier ces milliards d’animaux, torturés dans des laboratoires, dépouillés vivants dans des élevages ou massacrés sans pitié !

AH, CE QU’IL DOIT ÊTRE CONTENT LE PETIT JÉSUS !

– Conte de Jean-Claude St-Louis

***

NDLR : L’auteur tient à préciser qu’il s’agit d’une satire, d’où la référence au petit Jésus.