lundi 11 avril 2011

Le père Goriot : Un personnage d’actualité

Innombrables sont les commentaires et les analyses effectuées sur cette œuvre de génie écrite par un Balzac frustré et endetté à vie, nous présentant un des aspects sordides de la société de son temps décrite avec une précision et un réalisme étonnants : Le père Goriot.

De cet ouvrage percutant par l’authenticité et l’actualité de ses personnages, je voudrais souligner uniquement les rapports parentaux existant entre ce riche bourgeois déchu, déshonoré, et ses deux filles qu’il aime d’une façon exagérée et qui vont le dépouiller non seulement de sa fortune, mais aussi de sa santé et de sa vie.

A mon sens, il se pourrait que Balzac ait décrit les rapports entre le vieillard et ses deux filles sur la base de sa propre expérience. En effet, l’indifférence glaciale de la mère de l’écrivain à l’égard de son fils et l’apathie dont fait preuve son père vont engendrer chez le jeune Honoré un sentiment de frustration, de rancune et de mélancolie qui l’habiteront et le poursuivront toute sa vie. Dès sa naissance, le jeune Balzac connaitra les nourrices, les pensions, la froideur, voire la méchanceté, et l’éloignement de sa propre famille. Sa mère refusait même de se promener avec lui. Jamais elle ne lui donnait de caresses, jamais elle ne l’embrassait. « Ah, si vous saviez quelle femme était ma mère », dira un jour Balzac à Madame Hanska, « un monstre et une monstruosité tout ensemble. Elle me haïssait même avant ma naissance. C’est une blessure qui ne pouvait guérir... »

Il n’est donc pas improbable que Balzac ait effectué une transposition, une sorte de substitution psychologique - consciente ou inconsciente - de ses propres rapports parentaux avec ceux des héroïnes de l’œuvre. En d’autres termes, il n’est pas exclu que dans cette œuvre magistrale Balzac ait substitué sa mère aux filles Goriot dans cette comédie humaine qui fut d’abord la sienne.

La seule figure du désintéressement dans ce roman de Balzac est celle du père Goriot, victime complaisante de son amour paternel poussé à l’extrême, qui paiera de sa vie sa dévotion envers ses filles. L’image du père Goriot est celle d’un homme qui développe le sentiment de l’amour paternel jusqu’à la folie et jusqu’à la mort, dans le dénuement le plus complet.

En outre, mis à part leur langage littéraire aujourd’hui désuet, le père Goriot et ses filles sont, par leur comportement, des personnages très actuels. L’hypocrisie, le mensonge et l’appât du gain dans ce bouillon de culture bourgeois et aisé du Paris de l’époque sont très certainement transposables à notre époque, à chaque pays, à chaque société, à notre proche entourage.

– Billet de Michaël Adam